En 1999, on disait que les cours boursiers iraient
toujours à la hausse. En 2002, on croyait que la chute serait sans
fin. Au début des années 1990, on disait que le marché de l’immobilier
serait toujours mauvais. Actuellement, on croit qu'il sera toujours
bon. Nombreux sont ceux qui se promènent d'une bulle à
l'autre : ils intègrent un marché quand les prix sont élevés,
et le délaissent quand ils sont bas. La tendance est d'accorder trop
d'importance à la conjoncture du moment, sans vision du cycle global
du marché. Aujourd'hui, si je dis qu'il n'est pas forcément
avantageux d'acheter une maison, on me regarde exactement comme le
vendeur de titres conservateurs en 1999 : un extra-terrestre qui
n'a rien compris. Déjà, en temps normal, l'immobilier résidentiel
est un monde rempli de mythes – imaginez après 5 années de
croissance accélérée des valeurs!
Un placement, oui ou non?
La maison a toutes les apparences d'un placement
immobilier. C'est un actif tangible, bien visible. Mais cet actif ne
génère pas de revenus. Le propriétaire le possède pour en assumer
les coûts. Croire qu'il s'agit d'un placement est une illusion!
Il est vrai que la valeur des maisons augmente.
Cependant, la vente est la dernière étape d'une longue série
d'opérations. Entre l'achat et la vente, beaucoup de sorties de fonds
surviendront. Lorsqu'on tient compte de l'ensemble des opérations, on
obtient un coût net. Le " profit " gagné à la
vente n'est jamais assez important pour compenser tous les débours
passés (sauf dans certains cas de spéculation ou d'achat/vente
rapide).
Chaque logement a son coût, et l'important est de
trouver un lieu dont le coût convient, d'où le titre du livre Un
chez-moi à mon coût que j'ai écrit avec 15 collaborateurs. Plus
ses avantages sont nombreux, plus un lieu sera coûteux, peu importe
qu'il soit loué ou acheté. On ne doit pas chercher à estimer
combien une maison " rapportera ", mais plutôt
combien elle " coûtera ". Se loger, c'est avant
tout consommer, et qui dit consommation dit coût.
Les contre arguments
Les contre-arguments surgissent rapidement :
" Oui mais il me reste quelque chose à la fin, je ne paie
pas dans le vide toute ma vie comme les locataires " ou
" J’ai revendue ma maison 20 000 $ de plus que
le prix payé. Comment pouvez-vous dire que ce n’est pas une bonne
affaire? ". Vrai, il est toujours agréable de réaliser un
gain. Mais c'est l'ensemble de la transaction qu'il faut considérer
et, dans ce cas, le gain de 20 000 $ n'est pas forcément le
montant déterminant. Il faudrait connaître aussi : les coûts
réguliers (taxes, maintenance, etc.), le montant des travaux de
réfection majeurs (que l'on tends à oublier), les frais
d'acquisition et les frais de vente, les frais d'intérêt et le coût
de renonciation lié au fait que l'argent investit dans la maison n'a
pu servir à autre chose (cotisation à un REER, remboursement de
dettes coûteuses, etc.). En additionnant tous ces coûts et en
soustrayant ensuite le gain de 20 000 $, on peut établir le
coût réel lié au fait d'avoir habité ce lieu (en répartissant le
résultat sur les mois durant lequel vous avez habité le lieu). C'est
à cette étape seulement que l'on peut savoir si on a fait une bonne
affaire, en comparant, par exemple, le résultat au coût mensuel
d'autres lieux convenables qui auraient pu être loués ou achetés.
Le contexte actuel (juillet
2004)
Si elle effectue le calcul précédent sur un
courte période, une personne qui a acheté une propriété il y a 5
ans, aura probablement subit un coût très bas compte tenu de la
forte hausse des valeurs. Mais croire que cette tendance se continuera
éternellement est une erreur. Les hausse récentes s'expliquent par
divers facteurs qui ne peuvent durer (baisse des taux d'intérêt,
contexte économique, attrait des centres villes, etc.). La loi de la
moyenne fera son œuvre et les coûts se normaliseront, c'est-à-dire
que plus on aura profité d’avantages, plus le coût sera élevé.
Il n'y a aucune justification économique à s'enrichir parce que l'on
profite de plus d'espace, de plus d'intimité, ou parce qu'on peut
nager dans une piscine.
Les prix actuels sont élevés. Peut-être n'y
a-t-il pas une bulle qui dégonflera en quelques mois mais il est
clair que, dépendant des secteurs, les propriétés sont au mieux
bien évalués, au pire surévalués. Lorsque tout le monde sait qu'un
secteur a été intéressant dans les dernières années, c'est
souvent le temps de le quitter ou du moins de ne pas s'y embarquer
tête première. Je me souviens du nombre étonnant de groupe de
petits investisseurs immobiliers qui se sont formés à la fin des
années 80, au moment où le marché était à un sommet. On a vu ce
qui s'est passé ensuite : une vrai catastrophe financière!
Lorsque les taux d'intérêt baissent, la valeur
des actifs augmente. C'est une loi économique. L'effet a donc déjà
eu lieu et il ne peut pas se perpétuer. Les taux ne baisseront pas
jusqu'à moins 3 %! Cette baisse de taux a rendu les propriétés
plus accessibles, d'où la forte demande des dernières années. La
valeur des propriétés ayant augmenté, l'accessibilité redevient
maintenant à la normale. Personnellement, je ne crains pas du tout
une hausse des taux dans un horizon prochain, mais si elle devait
survenir, l'effet sur le marché immobilier serait en sens inverse,
donc néfaste.
Plusieurs sous-estiment aussi la démographie. Ce
n'est pas seulement dans les hôpitaux que le vieillissement de la
population se fera sentir. Avec toutes les unités de logement qui
sont construites ces derniers temps, on peut se demander ce qu'il
adviendra de tous les autres logements disponibles. La dénatalité
est une réalité qui ne pourra se résorber. Son effet se fera sentir
année par année, avec des crêtes d'ici 10 à 15 ans. C'est encore
loin, mais inexorable.
Conclusion
La décision liée au lieu de résidence est avant
tout une question de consommation. Lorsqu'on veut améliorer la
qualité de vie dans ce volet, il faut faire les choix judicieux
établis dans le cadre d'une planification financière personnelle
bien pensée, basée sur des vrais critères de décision et non sur
des pressions sociales ou sur la présence d’un contexte à court
terme favorable.